On la connaît tous. C'est la fameuse "Banque d'en face".
Ces jubilatoires petites scénettes (jamais compris pourquoi il fallait écrire « saynète ») moquent la crétinerie, la nullité, la bêtise, l’absence de compétences crasses des conseillers de la banque d’en face… du CIC.
Pourquoi cette saga détruit-elle l'image des banques en France alors ?
D’abord parce qu’elle est excellente. Casting génial. Drôlerie. Vérité vécue.
Ensuite parce qu’elle dure depuis quinze ans. Quinze ans ! Donc on finit par avoir à peu près compris la tension dramatique et le schéma narratif.
Enfin et surtout parce qu’à montrer la banque d’en face, elle met finalement en scène la réalité de la banque de détail française. De toutes les banques.
C’est à dire : Des marques faibles. Une absence d’image bien définie et différenciée. Des offres très similaires. Une « expérience client » toujours à peu près équivalente. Selon la chance ou l’infortune, son conseiller clientèle est soit sympathique et compétent. Soit le contraire. Des communications épouvantables. Soit nationales et wishfullthinking-esques. Soit terrain et alors là on tangente le pathétique
Le paradoxe c’est donc qu’à force de se moquer de l’autre, le CIC nous expose la réalité de la catégorie.
Qui n’a évolué en rien, dans ses process, sa culture, ses modes de formation, ses outils, son marketing, son branding depuis « Votre argent m’intéresse » (1973)...
Et pendant ce temps sont arrivés quelques petites marques du type Amazon ou Apple et ont émergé des tueurs de la qualité de l’expérience client articulée sur le couple offre + conseil (Decathlon en particulier, mais aussi Picard ou Uniqlo).
Voilà voilà. Pendant ce temps, à la banque d’en face, on est toujours en 1996, les erreurs de la banque ne sont jamais en votre faveur (formidable film de Muntz & Bitton 2009) et on n’y aime pas les millennials.
C’est terrible. Bien faire publicitairement aboutit à une sorte de suicide collectif de la profession. Une sorte de secte de l’Ordre du Temple Solaire où chacun boirait tous les jours avant d’aller « en clientèle » un grand verre de curare au Lexomil™.
Peut être qu’on est arrivé à un tournant désormais, pour cette catégorie et sans doute pour beaucoup d’autres, dans la façon de revendique et « d’engager » comme on dit de nos jours.
Investir tout son budget de communication dans la formation ?
Aller voir comment fonctionne First Direct en UK (euh… rapidement) : 3ème marque pour la satisfaction client en UK ! Derrière Amazon (peut pas lutter là) et Utility Warehouse, un prestataire de services aux particuliers (du gaz de ville à l’accès internet).
Oui. C’est peut être l’exemple de Utility Warehouse qui nous donne la solution.
La communication publicitaire est écrasée entre l’imposition de marques aux modèles économiques réinventés.
Avec de nouveaux acteurs dont la prestation est au top (et qui ne communiquent pas ou presque).
Et l’exploration de nouveaux axes via des initiatives plus ou moins utiles à mi-chemin entre la RSE, l’innovation et le digital. Tous les Lions de Cannes cette année le démontrent.
En 2012, la ravissante Hope Bagozzi de McDo Canada nous expliquait pourquoi il était nécessaire de "tricher" en prenant en photo les burgers. Voir le billet là.
De la même manière que les bouteilles de Coca avec les prénoms dessus, cette initiative d'abord locale ayant démontré son efficacité, elle est réutilisée ailleurs.
McDo USA a repris l'affaire avec une grande campagne YouTubée pour nous expliquer ce qu'il y a réellement dans les produits McDo. Et ainsi dissiper les ombres et les légendes urbaines à propos d'oeils de boeuf dans la viande des burgers, de sauces anti-vomissement ou de têtes de poussins dans les nuggets.
Le choix du porte-parole, sorte de Pierre Bellemare américain pour aller poser des questions, visiter les usines et infirmer ainsi toutes ces rumeurs et ces malentendus, c'est Grant Imahara. Un spécialiste du modélisme et des télécommandes nous apprend Wikipedia. Connu du grand public non pour ses maquettes de Starwars mais pour sa participation à l'émission Mythbusters dont le propos est justement de répondre à des questions qu'on se pose tous.
Comme "comment se forment les embouteillages ?" ou "peut-on jouer au tennis sur les ailes d'un Piper Cup en vol ?".
Le mec a une super bonne tête. Il se balade en voiture, filmé comme le type de Nescafé qui vient vérifier si ses amis Facebook sont vraiment ses amis dans la vie (question à Mythbusters : est-ce que Grant et Arnaud se connaissent dans la vie ?) et il va dans les usines pour poser des questions et vérifier la bonne foi de McDo.
L'épisode du boeuf ("est-ce qu'il n'y a que du boeuf dans les steaks hachés de McDo ?") a lieu chez Cargill.
Cargill, c'est un mastodonte de l'alimentaire aux USA. C'est la PLUS GROSSE ENTREPRISE PRIVEE aux USA.
C'est les 3/4 des revenus d'Apple... Lire à ce sujet le passionnant Foodopoly dont la thèse est que les industriels ont pris la main sur l'alimentaire au détriment des agriculteurs.
L'épisode sur les oeufs chez McDo (quand ils se passent les oeufs) commence au tapis de lavage et pas au poulailler (lien vers la chaine YouTube).
Et celui des frites commence avec un paperboard pour nous indiquer qu'il y a 19 ingrédients dans les frites McDo. Mais c'est pour notre bien à tous. C'est pour qu'elles soient bonnes, belles, constantes en qualité et en goût. Ce qui est vrai et légitime d'ailleurs.
Qu'est-ce qu'on peut en retenir ?
Il y a d'abord ce grand mouvement de transparence qui secoue les entreprises. C'est inéluctable et irrémédiable.
Ensuite, ici, McDo est remarquablement intelligent.
En arrivant à ne pas tout révéler mais en donnant accès aux process et aux coulisses, hier inaccessibles.
Dans sa façon de caster, produire et marketer son propos : Grant Imahara est sympathique et crédible (malgré un nom qui associe un blend et un single malt, ce qui est bizarre).
En parvenant, dans ce grand mouvement "inboundien", à nous faire accepter implicitement que c'est normal de faire comme ça parce que sinon on ne pourra pas arriver au résultat auquel on est habitué et qu'on attend.
C'est très dualiste comme pensée. Soit on met 19 ingrédients dans les frites et c'est des super frites McDo soit ya pas de frites McDo.
Donc si on ne mettait pas de Dimethylpolysiloxane (du silicone) dans les frites, vous ne seriez pas contents.
Et c'est vrai.
On n'en est qu'au début. Voyons comment les Danone, Nestlé, L'Oréal, Coca Cola mais aussi Carrefour et Auchan et McCain etc. vont faire dans le futur face à ce défi de la "publicness"
Sur ce, je dois aller partager un Coca avec deux copines.
1. Etre arrivé à générer au préalable des contre-propositions des concurrents (Samsung, LG) avant même d'avoir révélé développer ni même montré sa propre montre, c'est très fort.
2. Vit-on jamais en aucun temps, en aucun pays plus magnifique explosion de moyens pour expliquer et montrer un produit ?
Je ne crois pas.
Il ne faut pas rester sur le petit film de la keynote (OK… "Le" keynote). Il faut regarder les dix minutes de démo avec en voix off Jony Ive qui déclame une sorte de mode d'emploi – manifeste de l'Apple Watch.
Dans vingt ans, je parie que cette vidéo sera montrée à Venise dans un musée de François Pinault.
La rédaction. Rôôôôôôô. Le montage ! Le montage ! La musique…
Et la douce voix de notre bon Jony qui susurre des phrases comme :
- The simple leather classic buckle references traditional watch vocabulary.
"Traditional watch vocabulary"… J'imagine les interminables discussions sur le projet devant un verre de Dalla Valle 2002 avec Angela Ahrendts dans son manoir avec vue sur Alcatraz. Oui, la maison de Jony Ive donne sur Alcatraz. Ah ben ça alors.
- We have worked closely with horological experts from around the world to help us understand the cultural and historical significance of time-keeping. And this has profoundly informed our design.
J'imagine les "horological experts", enlevés dans leurs ateliers suisses, la tête recouverte d'un sac en feutrine noire, emmenés dans un avion privé pour Cupertino où l'on les interroge sur la "cultural and historical significance of time-keeping" avant de les faire hypnotiser par un mentalist afin de tout oublier et de de les réexpédier à Schaffhausen par le même Falcon 7X.
3. C'est l'éloge de la servitude volontaire. La tyrannie des objets.
Lafontaine vivrait encore, il réécrirait le Loup et le chien version celui qui a une montre Apple et celui qui n'en veut pas. Et Guy Debord se resservirait un demi devant un tel désespoir.
4. Le produit sert-il à quelque-chose ?
Non. Et oui.
En fait la question n'est pas là. Je crois qu'on rira dans quelques années quand la V4 ou V5 de l'Apple Watch sera sortie.
Celle-ci est grosse, épaisse, pas très belle, pas étanche, avec une autonomie ridicule, inutile sans son iPhone à proximité.
Mais le "quantified self", l'hyperconnexion, l'autonomisation vis à vis du device référent qu'est le mobile à l'heure actuelle, ça va nous tomber dessus aussi sûrement que… la pomme de Newton.
C'est un changement de plateforme. De paradigme. On se trouvera ridicule d'avoir trimballé pendant des années ces téléphones mobiles dans nos poches.
Ça va prendre du temps. Ce sera la réussite d'Apple ou d'autres. Ou de plusieurs et après des débuts difficiles, mais c'est sûr qu'on y va.
Le paradoxe est d'ailleurs que la jeune génération ne porte plus de montres.
You know it's driving Apple, from the beginning. This, compulsion, to take incredibly powerful technology, and make it accessible, relevant, and, ultimately personal. We’ve designed, a range of products so personal, you don’t put them on your desk or in your pocket—you wear them, on your wrist. We conceived, designed and developed Apple Watch, as a completely singular product. You know you can’t determine a boundary, between the physical object and the software.
We’re introducing, an unparalleled level of technical innovation, combined, with a design, that connects with the wearer, at an intimate level to both - embrace individuality - and inspire desire.
The watch senses, that you’re raising your wrist, and then activates the display. You see, an organization of apps, that while new, is somehow familiar. Navigation, is fluid, and vital. Magnifying content, on a small display, is fundamentally important. So we’ve developed, a whole new interface - specific to the challenges associated, with a product this small.
The digital crown, is a remarkable input device. It fluidly zooms into apps. It enables, nimble, precise adjustment. And critically, you can use it, without obstructing the display. It’s also the home button.
Apps are designed, for light-weight interaction. Smart replies and dictation, let you respond quickly to messages. Glances, let you swipe through information efficiently. And pressing the button below the digital crown, instantly shows you friends, you can contact in just seconds. And with digital touch - we’ve developed an entirely new way, for you to connect intimately with others. You can get someone’s attention, with a gentle tap. Or you can send huh quick sketch. Or you can even share - something as personal as your own heartbeat.
These are… subtle ways to communicate, that technology, often inhibits, rather than enables.
These apps, all take advantage, of the flexible retina display. It’s been laminated to a machined and polished, single crystal of sapphire. That’s the second hardest transparent material, after diamond.
In addition to the digital crown, we’ve had to invent other input technologies designed specifically, for a product this small. So as well as sensing touch, the display also senses force —quite literally - adding a new dimension to the user interface. Tiny electrodes, around the display, recognize the difference between a tap - and a press. This provides, instant access to a whole range of contextually specific controls.
For the first time, and - with great intention, we’ve designed, not only what you see, but also what you hear and feel.
We’ve developed, a linear actuator, to provide “taptic” feedback, to complement your interactions. This “taptic engine”, combined with the audio feedback from our water-resistant speaker, creates a discreet and nuanced experienced.
At the heart of the watch, is a custom-designed chip, that integrates many subsystems into one remarkably compact module. Which is then completely encapsulated, to protect the electronics. It’s essentially, miniaturizing a entire computer system onto a single chip.
The zirconia back, has four, sapphire lenses. Infrared and visible light LEDs, along with photo sensors, detect your pulse rate. Using its gyroscope and accelerometer and the GPS and Wifi from your iPhone, the Watch provides a comprehensive picture, of your daily activity. This allows it, to establish and suggests goals. And reward fitness milestones.
The back crystal, also houses a unique charging solution that combines our MagSafe technology with inductive charging. Completely sealed, it requires no alignment or exposed contacts.
Apple Watch is, incredibly accurate. It uses, multiple technologies, keeping time to plus or minus 50 milli-seconds. We have worked closely, with horological experts, from - around the world, to help us understand, the cultural and historical significance of time-keeping. And this has profoundly informed our design.
We know, that wearing something all day, every day, becomes, as much about personal preference and self-expression as functionality. So we’ve designed a range of watch faces. You can personalize, both their appearance, and their capability.
Personalization, extends way beyond the interface. We have designed, six different straps, and a mechanism, that makes the straps easily interchangeable - with a refinement and precision that’s born of functionality.
The sport band, in a range of bold colors, is made from a tough, durable, sweat-and chemical resistant high-performance elastima.
The leather loop, comes in a soft, quilted leather, that conceals magnets for fastening and adjustment. We’ve used traditional leather, but in a new sports context that’s, designed for optimum comfort.
The supple, hand-crafted leather modern buckle, closes, with a solid metal clasp, that wraps symmetrically around the wrist.
The simple leather classic buckle, references traditional watch vocabulary. And the stainless steel link bracelet, has a slim - deployment clasp, that is contained within a 2.6 mm band.
The Milanese loop, is crafted, from a fluid, flexible, stainless-steel mesh, with a magnetic closure, that has an elegant simplicity and is infinitely adjustable.
And of course, we knew, one size wouldn’t fit everyone, so we’ve also developed a smaller watch with matching smaller straps.
From different cases and straps, we’ve actually created three distinct collections.
The first, Apple Watch, features a polished case made from a custom alloy, of stainless steel.
The sport collection has an ion-exchanged cover glass, and a anodized aluminum case, that is 60 percent stronger, than standard alloys, and yet it’s incredibly light and durable.
Apple Watch Edition, is made from 18-karat gold, that our metallurgists have developed to be up to twice as hard as standard gold.
Creating, beautiful objects, that are, as simple, and pure, as they are functional—well, that’s always been our goal at Apple. We designed Apple Watch as a whole range of products, enabling millions of unique designs. Unparalleled personalization both in appearance and capability.
I think now, we’re now at a compelling beginning. Actually designing technology, to be worn—to be truly personal.
Alors est-ce que c'est comme on s'imagine que c'est Google inside ? Oui.
Est-ce que les mecs sont forts. Yes. Very very.
Est-ce qu'il y a des trucs comme des tapis de course avec des ordinateurs devant, des tableaux Veleda avec des schémas compliqués, des salles entières avec des mecs derrière des ordis, etc. Absolument.
Est-ce qu'il y a des Brahmanes diplômés du Chennai Mathematical Institute de Siruseri et qui disent "I think we can solve this problem quite easily" ? Je n'en ai pas vu mais certainement.
Et est-ce qu'il y a du Wifi ? Si y'a du wifi ? Mais t'es DANS le wifi.
Le gars qui nous a reçu possède tous les diplômes que les parents d'un adolescent en Première raisonnablement bon en maths-physique rêveraient qu'il ait.
Tous. Et d'autres encore dont ils ignorent le nom.
La présentation fut longue, dense et riche.
Voici quelques enseignements résumés parce que le format blog ne permet pas d'en mettre quinze pages.
Si vous voulez en savoir plus, je vous propose de réserver chez Lapérouse le salon de la Belle Otéro, où devant un homard à l'Américaine et un soufflé au praliné, nous pourrons échanger quelques idées.
Pour finir cette longue introduction, ne voyez de ma part aucune allégeance ou intersubjectivité extatique vis à vis de Google, c'était vraiment vraiment impressionnant.
Partis d'un page blanche le 4 septembre 1998, Google semble ne compter dans ses rangs que les meilleurs des meilleurs. C'est de l'eugénisme poussé à l'extrême. Je pense que les employés de la SOPEXA qui servent à la cantoche doivent ingurgiter dix comprimés de Corydrane au petit déjeuner pour se mettre au niveau.
Google, c'est un concentré de ressources intellectuelles, appuyé sur des moyens quasi-illimités amenés par la pub, qui permet d'explorer des quantités de projets. Sans se fouetter avec son R.O.I.
D'ailleurs, je pense, que le truc des 10% alloués à des projets perso, c'est du bullshit.
Parce que LE principe de l'entreprise c'est d'avoir des légions de mecs qui bossent à 100% sur des quantités de trucs dont on ne sait pas nécessairement ce que cela va produire.
Mais ça avance à la vitesse de Kilian Jornet en train de descendre le Matterhorn par un doux matin d'avril.
Le fond de la croyance de Google, derrière la mission fil rouge d'organiser l'information du monde, c'est qu'ils pensent – mais vraiment et sans gourmandise ni arrogance – qu'il n'y a pas de problème sur terre que l'on ne puisse régler si l'on y met un ou plusieurs gros cerveaux, quelques ressources et du temps.
Et cela déborde le cadre de l'ingéniérie.
Par exemple, ils ont un projet qui s'appelle "Life on Mars".
Cela consiste à imaginer le meilleur système politique possible dans un monde où il n'y a encore personne pour dire : "Oh ben non alors !".
On prend un problème et on se dit : comment peut-on faire pour le régler de la façon la plus optimale possible sans penser à la façon dont on l'a traité avant.
Le potentiel d'expansion pour Google est phénoménal.
Parce qu'il s'appuie sur cette über-capacité de conception et désormais, via le taux d'équipement en devices mobiles, sur la mise à contribution de tous et de chacun.
Dit autrement, si l'on s'organise, on peut arriver tous ensemble et avec un peu de technologie à régler des quantités de problèmes sans même y penser.
Exemple n°1.
Aux Etats-Unis, il y a beaucoup de trous dans la chaussée.
Bon.
Alors au lieu d'attendre un rapport de la DDE et l'arrivée de Campenon Bernard, pourquoi ne pas créer une appli où les gens photographient les trous et envoient les photos à la Mairie avec les coordonnées des trous ?
L'alchimie des multitudes faisant le reste, les administrations savent où aller envoyer des Leon Grosse ou des Colas sans attendre un an et demi pour les boucher.
Mieux. Je cite M. Google.
Tout simplement une appli qui permet en fonction des vibrations de la voiture de géolocaliser les trous dans la chaussée sans rien à faire qu'à conduire.
Exemple n°2.
The Guardian, journal anglais, a proposé à ses lecteurs de retranscrire les scans des notes de frais des députés.
En Grande-Bretagne, toutes les notes de frais des députés sont scannées et disponibles à qui veut les voir.
Mais ce sont des scans, des photos. Pas des fichiers texte.
Personne n'a le temps d'aller inventorier des petas de notes de frais pour savoir si son député gruge.
L'initiative du Guardian, en agrégeant du temps de cerveau disponible, pour reprendre l'expression d'un manager visionnaire, a consisté à proposer à ses lecteurs de faire chacun un petit morceau du boulot.
Morale de l'histoire :
The Guardian renforce son image de journal indépendant des pouvoirs et scrutateur avisé de ceux-ci.
Les lecteurs sont valorisés. Mieux que dans les commentaires affligeants à la suite des articles, du type " Une chose est certaine: pour exploser son casque, il devait aller très vite dans un endroit hors piste, ce qui est irresponsable !"
Les fonds publics sont (un peu) nettoyés des abus.
La démocratie est (un peu) renforcée.
Exemple n°3 : AirBnB.
Au départ, le créateur du site voulait améliorer la capacité d'hébergement de San Francisco.
San Francisco quand il y a d'importantes manifestations (des Keynotes par exemple ?) n'a pas suffisamment de chambres d'hôtels pour loger tous les visiteurs.
AirBnB (désormais 8ème hôtelier mondial…) a permis d'étendre grâce à la technologie cette capacité d'accueil.
Alors oui, cela impacte négativement sur des nuitées pour des hôteliers. Qui en perdent quelques-unes.
Mais les retombées indirectes en termes de restauration, shopping, transports, etc. de ces gens qui ne seraient pas venus sinon amènent une création de richesse nette pour la région.
J'ignore comment Brin et Page (Lacan aurait dit qu'un brin qui relie une page, ça s'appelle un lien hypertexte) font pour gérer autant de projets différents ? Comment ils priorisent, arbitrent, délèguent, jugent, évaluent, réorientent ? En termes de gestion des organisations, de management, c'est proprement ahurissant.
En conclusion, tout cela me donne une idée de stratégie de campagne pour Nathalie Kosciusko Morizet à Paris en 2014.
Pour faire en sorte que les lignes qui vont suivre puissent atteindre son staff, je vais devoir procéder à l'insertion de quelques hashtags. Veuillez m'en excuser.
#Nathalie.
#OhNathalie!
#Nathalieécoutemoic'estimportant
#Paris2014
#Municipales
#NKM
#NKMParis
#NKM2014
#NKMParis2014
Elle est Polytechnicienne, Nathalie. Son centre de gravité (intellectuel), c'est l'ingéniérie, le progrès.
Alors pourquoi ne placerait-elle pas son ambition pour Paris sous le signe de l'innovation ?
Dit différemment, est-ce qu'on peut mettre du progrès technologique dans la gouvernance d'un système complexe qu'est Paris ?
Mais oui.
En bas de chez moi, il n'y a plus de panneau de rue à cause qu'ils ont construit un nouvel immeuble et donc les touristes sont paumés.
Je suis allé demander à la Mairie.
Dix jours plus tard, j'ai reçu une lettre (!!!!! Une lettre pitin !!!!!! #desgénies) comme quoi ils avaient pris ma requête en considération, me remerciaient de l'intérêt que je portais à notre ville et qu'ils ne manqueraient pas de me tenir informé de la suite apportée au dossier.
Et depuis ! Rien ! Mais rien !
Pour par exemple pouvoir éviter les rues ou avenues bloquées par les rollers, les manifs, les Chefs d'Etat étrangers venant gerber sous l'arc de Triomphe et bloquant de la Concorde à la Porte Maillot (j'y étais ce jour-là !).
Aujourd'hui, la gouvernance c'est :
- Ah nous on bloque hein. C'est les ordres (avec un léger accent d'Agen)
- Mais ça va prendre combien de temps ?
- Ah on sait pas.
- Et on peut passer par où ?
- Ah je sais pas. Je suis pas d'ici (accent d'Agen plus prononcé).
Trouver une pharmacie de garde le dimanche.
Gérer l'admission dans les crèches.
Et les conseils de quartier (!!!! Ever been to a "Conseil de Quartier ? Le fond de la cuve de la gouvernance locale).
Le budget.
Les associations et les subventions.
La propreté.
La délinquance.
On fonctionne encore à l'époque des derniers Valois.
Mais peut être que du progrès technique dans une ville comme Paris amènerait à virer des agents de la Ville de Paris (toi aussi, géotague un mec qui branle rien avec l'application gratuite "Branlosselocalisator Light Free Version") que ce n'est pas possible.
Mais Nathalie. Je t'en conjure. Je t'achèterai des bottes comme tu n'en as pas idée. Fais-le. C'est pas compliqué.
Pour finir, je vous souhaite une bonne citrate de bétaïne, en vous disant à tous, et du fond du cœur : cul sec !
On y découvre que Jeff Bezos semble avoir la sensibilité d'une clé USB et l'empathie d'une prise RJ45.
Assister à la disparition des journaux papier et des grands noms historiques (Newsweek…) n'est pas a priori son problème et ce n'est pas en rachetant le WP que cela va changer grand chose à l'économie générale du secteur.
Ce n'est pas l'appel des terres natales.
Il n'a pas grandi à Washington. Il a grandi au Texas et en Floride, étudié l'ingénierie à Princeton (New Jersey) et a fondé amazon.com à Seattle, état de Washington…! Mais pas DC. Celui en haut à gauche sur la carte).
Ce n'est pas parce qu'il a beaucoup d'argent et qu'il aurait envie d'un jouet.
A priori non.
Il a son avion et son hélico déjà.
Il est passionné par la conquête spatiale et finance sur ses sous persos un programme de développement de vols spatiaux habités (Blue Origin ça s'appelle) pour lequel il a acheté des milliers d'hectares au Texas afin de faire des essais de réacteurs qui incommodent d'ailleurs la population parce que ça pique les yeux.
Et il a financé un projet d'horloge sensée durer 10.000 ans (The clock of the long now).
Ce n'est pas parce qu'il est stupide. Parce qu'il est sacrément malin.
Mais alors pourquoi racheter pour 250 millions de $ un journal qui a connu ses grandes heures mais qui est aujourd'hui en voie de déclin quasi-irrémédiable ?
Je vous propose une hypothèse perso ("hypothèse" = "sous la thèse").
C'est qu'il va / veut siphonner l'expertise éditoriale accumulée pendant des décennies par les journalistes, rédacteurs et autres correcteurs du Washington Post pour gagner la grande bataille de l'éditorialisation des contenus sur internet.
Je pense qu'il a identifié la grosse faille de tous les producteurs ou agrégateurs de contenu sur internet.
Il y a trop d'informations. "Infobésité" qu'on dit désormais. Elles sont mal organisées ces informations. Elles sont mal sourcées. Elles sont mal éditées. Elles sont difficiles à consommer, indigestes, fouillis, brouillon.
Tapez "musique" sur le moteur de recherche du site sfr.fr : 2890 résultats. Sur sfr.fr ! Pas sur google via sfr.
2890 !
Autant dire : passez votre chemin. Rien à exploiter là-dedans à moins d'être un névropathe.
Il (Jeff) veut sans doute aspirer le savoir-faire des mecs du WP pour en faire un groupe pilote dans son groupe (a "two pizzas team" qu'il appelle cela) qui va améliorer l'organisation des masses d'informations produites par les entreprises (éditeurs de livres ou fabricants de GPS), par les internautes (les reviews) et par les professionnels de la profession type journalistes spécialisés, critiques, etc.
Pour rendre le contenu d'amazon.com plus simple, plus lisible, plus attractif.
Pour en faire des "stories" comme disent les Américains.
En faisant cela, il va prendre un temps d'avance supplémentaire sur ses concurrents. En premier lieu, Apple qui est nul en la matière.
Oui, s'il y a bien un domaine dans lequel Apple est nul, c'est dans l'éditorialisation des contenus.
Sur l'Apple TV, sur l'iTunes Store, l'App Store, le contenu du site apple.fr, les pages d'aide, les tutorials : tout ce que produit ou agrège comme informations Apple est très médiocrement voire dans la plupart des cas, carrément nullissimement organisé.
Et comme il a acheté le Washington Post sur ses propres sous personnels, il brouille les pistes en faisant croire (possibly) que c'est un projet perso.
Bon. Aucune garantie de rien. Juste une hypothèse comme aurait pu chanter Jackie Quartz il y a trente ans.
Ce n'est pas le GALFA Club. C'est le GAFA Club. Le club des quatre poids lourds du numérique qui de plus en plus nous vendent les mêmes choses (des contenus), nous achètent la même chose (notre attention) et voudraient nous incorporer chacun dans leur écosystème pour en retirer les loyers.
Cette bataille d'attention et de contenu se joue aussi sur l'identité de marque. Parce que pour tout consommateur, une marque naît d'abord de la différenciation.
Le précurseur historique et leader toutes catégories en matière d'identité visuelle est Apple. Avec la rémanence de l'obsessionnel Steve Jobs, le skeuomorphique Scott Forstall et le très secret Hiroki Asai, responsable de l'identité visuelle chez Apple, à la tête d'une équipe interne de 200 personnes.
Historiquement, Apple a toujours ancré son design sur un référent analogique, celui du monde réel : des engrenages pour désigner les réglages, un clap pour évoquer les vidéos, voire des étagères en bois pour parler de bibliothèque numérique.
La grande rupture qui semble se dessiner est l'abandon du skueuomorphique pour une identité "very flat" à ce qui se murmure et que nous pourrons vérifier lundi 10 juin prochain à 19h en suivant la conférence d'Apple au WWDC.
Scott Forstall viré d'Apple, c'est Jony Ive qui a repris le design UI
et qui renvoit à Alcatraz le design skueumorphique. Pour paraphraser
Philips, c'est "flat and simplicity".
Le monde était plat. Le design le devient.
Très fonctionnelle voire uniquement fonctionnelle au départ, l'identité visuelle de Google ne se résume pas à ses doodle animés, destinés à fêter l'invention du synthé par Robert Moog ou le 540ème anniversaire de Copernic.
Le système de marque est très malin avec une gestion du nom de marque bien tempérée : de Google Wallet à Gmail, en passant par YouTube pour des raisons historiques.
On découvre grâce aux créateurs eux-mêmes, les principes de l'identité graphique de Google (le site complet est là).
C'est très très très intéressant.
D'abord parce que l'extrême rigueur des principes montre qu'il n'y a pas qu'Apple à être scrupuleux sur l'expression de son identité. Voire maniaco-obsessionnel.
Ensuite parce que cela converge pour indiquer l'arrivée du plat et la fin des coquetteries 3D en matière de logo et de design depuis des années.
Voici les grands principes de l'identité graphique de Google :
Simplicité.
Tu as envie d'essayer de faire quelque chose de compliqué ? Eh bien essaye de le faire le plus simple possible. Tu vas voir. C'est mieux.
Approche géométrique systématique des formes.
De face et pas de relief. Plat quoi.
Des ombres nettes et pas floutées.
Des combinaisons de couleurs définies et une attention au pixel près. "Mind the pixels" : même petits, ils sont précis.
Google commence à créer son monde, naïf (en apparence), sympathique (enfantin donc infantilisant), coloré, ludique.
Et il l'a formalisé. Il est bien spécifique. Différent. Déseffrayant.
En troisième position, voici Facebook. Qui est bien "enclavé", comme dirait Mercedes Erra, dans son monde bleuté, parsemé de quelques icônes et surtout jonché de contributions de qualité graphique inégales sur les pages des marques ou des membres.
Le monde Facebook est assez plat, sans jeu de mots. Assez terne.
Bon dernier, avec une réelle absence de goût et d'intérêt pour le sujet : Amazon.
Pour le moment, Amazon a une identité de logisticien. Ce qu'ils sont. Mais il serait logique qu'ils soient en train de plancher sur leur design pour posséder enfin une vraie belle identité.
D'ailleurs, ils en ont bien besoin. Ne serait-ce qu'à cause de leur système d'exploitation Silk.
Et puis j'en oublierais presque un. Qui ne boxe pas dans la même catégorie mais qui a construit depuis quelque temps une iconographie de marque très aboutie, car il est désormais dans le grand jeu de la relation-participation avec ses clients-utilisateurs : c'est Nike+.
Voilà l'enjeu. Mettre de l'identité, de la différenciation et créer de l'empathie dans un monde virtuel où rien n'est tangible.
Je viens de lire deux petits livres et je suis bien embêté.
Le premier, c'est Delivering
Happiness (en français aux éditions Leduc, L'entreprise du
bonheur).
Il est l'oeuvre d'un Américain d'origine taiwanaise. Tony Hsieh
(prononcer "toniché").
Diplômé d'Harvard à 22 ans. En 1996, il crée une start up, revendue à
Microsoft deux ans plus tard pour 265 millions de $.
Il a 23 ans. Il glande un peu. Joue au poker à Vegas
(il lit des livres sur le poker pour gagner au poker et gagne au poker).
Il crée un fonds d'investissement. Investit puis prend en 1999 la
direction de Zappos.com, site marchand de chaussures sur internet.
En 2009, il revend Zappos à Amazon pour 1.2 milliard de $
(dont environ 20% dans sa popoche).
Sa vie, son grand œuvre, son approche du business sont tellement,
mais alors tellement loin du capitalisme à la française. Là on y voit la
quintessence d'une vision communautariste, positiviste, utilitariste,
volontariste
dont les Américains ont le secret.
Hsieh, c'est un enfant né coiffé, confiant en lui-même et
dur à la tâche.
Zappos.com, c'est une entreprise - précurseur de la vente de
chaussures en ligne (une fiction grammaticale il y a encore quelques années) - construite
autour d'un noyau : la qualité du service client. Sans doute le meilleur service client au monde.
C'est
l'exemple de ce à quoi on peut aboutir quand on crée une entreprise
à partir d'une page blanche et qu'on n'a pas à gérer des décennies d'histoire, de
rancœurs
syndicales, de CEO mercenaires, d'actionnaires myopes et de salariés
désabusés.
C'est une culture d'entreprise aussi géniale d'intelligence que totalitaire, aussi
performante qu'infantilisante.
Un exemple par exemple, comme dirait Jacques Klein :
A l'issue de la première semaine de training des nouveaux
employés, on leur propose à chacun 2000$ s'ils démissionnent. En plus de leur
salaire prorata temporis. Comme ça, on est sûr que ceux qui restent le font
parce qu'ils croient dans la démarche de Zappos. Mélenchon entendrait ça, il avalerait Politique du Rebelle en format in-12.
Autre exemple par exemple, c'est que les téléconseillers ont carte blanche
pour offrir le meilleur service client. Pas de durée maximum de conversation,
pas de vente forcée, pas de guide d'entretien. Autonomie totale.
Hsieh raconte que le plus long échange téléphonique entre un
client et un téléconseiller a duré près de 6 heures (sur Wikipedia, ils disent 8
heures).
Bref.
La qualité du contact client d'aujourd'hui construit les
ventes de demain. Chez Zappos, on n'hésite pas à te répercuter sur un site
concurrent s'ils sont en rupture d'un produit…
Deuxième livre : Amazonie.
Infiltré dans le meilleur des mondes.
Petit récit de Jean-Baptiste Malet, 26 ans, qui s'est fait
engager dans une plateforme logistique d'Amazon à Montélimar pendant plusieurs
mois pour comprendre et raconter ce qu'il est impossible de savoir autrement,
étant donné le culte absolu du secret et la pression qu'Amazon exerce sur ses
salariés pour empêcher toute fuite, si minime soit-elle sur ce qu'il y a à
l'intérieur de la boîboîte.
Rappelons-nous que Hsieh a vendu (par échange d'action)
Zappos.com à Amazon.com. Donc il partage des trucs avec Bezos, en dehors de lui
préparer des burgers sur le BBQ de son jardin.
Le récit de Malet est édifiant sur l'obsession productiviste
et la pingrerie mesquine d'Amazon, le décalage ahurissant entre l'optimisme
volontariste d'un Hsieh et le désespoir pessimiste du salariat précaire de
notre pays.
N'étant allé vérifier ni à Las Vegas ni à Montélimar, je ne
peux que juger sur la base de leurs propos. Donc toutes choses égales par
ailleurs.
Deux anecdotes sur "l'Amazonie" de JB. Malet.
Quand on rentre dans l'entrepôt, on peut lire marqué au
dessus de sa tête un très beau "Work hard. Have fun. Make history" en
anglais dans le texte.
Qui génère un mélange d'indifférence et d'incrédulité chez les
intérimaires qui se pressent pour prendre leur poste à 21h30.
Malet a choisi d'être picker
pour son enquête.
Le picker, c'est celui qui va chercher les produits dans son
chariot pour les amener au packer qui
lui les emballe.
Pour picker, le picker parcourt plus de vingt kilomètres
chaque jour (ou nuit). Son parcours est réglé par l'ordinateur qui l'oriente vers
les produits les plus proches, comme dans une sorte de chasse aux œufs de
Pâques sans fin, où sa productivité est mesurée en temps réel.
JB Malet n'y va pas de main morte sur la méchanceté, le
sadisme, l'ingratitude, l'hypocrisie, la cupidité de l'entreprise Amazon et de
son système qui emprunte plus à Taylor qu'à Toyota.
Même si Amazon est loin d'être la seule entreprise en France
ou dans le monde à pratiquer flicage, brimades et rentabilité obsessionnelle,
le livre de M. Malet nous met en lumière le décalage entre la légèreté de l'acte d'achat et la réalité humaine derrière.
Alors qu'est-ce que je fais ? J'arrête Amazon ?
Je leur achète un... paquet de trucs à l'heure actuelle. Et depuis quinze ans, je leur ai filé un max de blé.
J'ai commencé sur le .com en 1998. Puis le .co.uk parce que
la livraison était plus rapide. En 2000, je suis passé au .fr.
"J'ai tout vu, tout fait, tout usé" chez Amazon pour
paraphraser un de ses fournisseurs. Le One-Click™, le compte Premium, le Market
Place. J'ai acheté, mais alors, de tout. J'ai vendu aussi.
Avant je me faisais livrer au bureau pour avoir l'air
tendance. Quand je rentrais de déjeuner, je trouvais ma commande sur mon
bureau. Sous les yeux de mes collègues EBAHIS. Et moi J'EXULTAIS.
Après, je me suis fait livrer chez moi, pour avoir le
plaisir de trouver ce petit paquet marron au pied de ma porte en rentrant.
J'ai constaté, sans aucun regret ni nostalgie ni culpabilité, que la
multiplication des petits paquets marron a coïncidé avec une raréfaction voire
quasi-disparition des petits sacs marron de la FNAC.
Mais depuis ce "voyage en Amazonie" (livre très à charge et peut
être pas totalement objectif. Encore une fois, je n'en sais rien), je suis en revanche conscient d'une chose : c'est
qu'avant que le gars d'UPS sonne à ma porte avec mon paquet contenant des
cartouches d'imprimante, une monographie de Jean Widmer ou une centrale à
vapeur, et pour assurer les délais de livraison proprement hallucinants
d'Amazon, ce n'est pas l'entreprise du bonheur derrière.
Ce qui me frappe surtout, c'est à quel point tout est
magiquement et génialement pensé pour rendre l'acte d'achat aussi facile que
possible et occulter toute la sueur du back office.
C'est cet écran de fumée soigneusement entretenu qui, quand il se dissipe un peu commence à piquer les yeux et devient désagréable. N'en déplaise au très fat Montebourg.
Alors qu'est-ce que je fais ?
Je supprime mon compte Premium et le One-Click™ ?
J'imprime les pages de livres que je veux acheter
et je descends les porter à la librairie d'en bas (en espérant qu'ils ne se
fassent pas livrer par Amazon eux) ?
Et puis quoi d'autre ?
Le mathématicien Von Neumann expliquait à Richard Feynman pendant leurs promenades à Los Alamos qu'on n'a pas à se sentir responsable du monde dans lequel nous vivons. Cela dit, il travaillait sur la bombe atomique alors ceci explique peut être cela.
Mais moi dans tout ça ?
Je suis bien emmerdé.
Et qu'est-ce que je fais le jour de la sortie de l'iPhone 5S ? Je reste avec mon 5 ? Mais c'est pas possible !
Alors qu'est-ce que je fais ?
Comme disait Etienne Dorsay à Daniel dans Un éléphant ça trompe énormément quand on lui demande s'il veut une martingale :
Voici la femme, que dis-je, la mère, la plus internationale du monde :
C'est elle, et son fiston drapés dans une serviette de bain (on admirera la symbolique placentaire) avec des rayures vert et rouge qui incarne LA mère pour la fête d'icelle, selon Apple.
La même. Pour 26 pays.
Seule exception : la Chine (avec Taïwan et Hong Kong).
Pour la Chine et les chinois, on remarquera la symbolique de l'enfant unique, fusionné avec sa môman sur le sein gauche. On dirait une petite fille d'ailleurs.
Pour le Japon, la modernité est bien plus palpable. Une photo sans doute prise à Guam, pendant un séjour duty-free chez DFS pour acheter un sac Gucci chain grand modèle. Là, c'est un garçu comme dirait Pialat. Et on s'autorise une petite échancrure du col. Le petit garçon a l'air d'être un fan des 49ers.
Mais revenons à "madame 26 pays" et à la façon dont Apple traite cette fête universelle, bien antérieure au Maréchal Pétain malgré la légende.
Elle est donc présenté implicitement par Apple comme l'icône de la môman, à qui il serait bien judicieux d'offrir un iPad dans des pays aussi variés que le Brésil, la Finlande, la Suisse, les Etats-Unis, la Pologne ou la France.
Et en effet, n'est-elle pas totalement physiquement recevable en tant que Brésilienne, Finlandaise ("j't'ai jamais parlé de mon histoire avec la Finlandaise ?"), Suisse, Américaine, Polonaise ("J'connaissais une Polonaise qu'en buvait au p'tit déjeuner") ou Française ?
Si.
Totalement si.
Elle est parfaite dans son ubiquité.
Après ce casting proprement génial de versatility comme disent les Américains, la science du glocal d'Apple se déploie avec autant de talent que les Romains sous Septime Sévère.
D'abord et c'est bien logique et banal, dans la prise en compte du calendrier local :
Espagne, Hongrie,
Norvège,
Irlande, Portugal, Corée, Emirats
Arabes Unis et Royaume Uni ont à date, déjà fêté les mères donc les Apple Stores locaux ne la mentionnent plus.
La Thaïlande, c'est le 12 août et l'Indonésie c'est pour le 22 décembre donc c'est un peu tôt.
Ensuite, c'est la proposition qui est faite pour le gravage au dos de l'iPad qui illustre là-encore l'habileté d'Apple à entrer dans les usages locaux, avec pas forcément beaucoup de moyens mais juste du chou.
Le gravage référent, c'est bien entendu celui des Etats-Unis :
C'est la référence au collier de nouilles que l'on fai(sai)t faire à l'école Maternelle aux enfants pour la fête des mères
Il y a curieusement peu de pays d'obédience nouillesque : le Canada, la France, la Belgique, le Luxembourg et la Suisse francophone.
Il n'y a seulement que trois petites variantes sur le même principe : "mieux qu'un bracelet de perles en plastique" pour les Suèdois, "mieux qu'un découpage-collage" pour les Italiens (z'ont pas des nouilles là-bas m'enfin !?) et référence à un "petit dessin" pour les Pays-Bas.
Mais le message massivement mondial-Fête des mère d'Apple n'est pas celui-là :
C'est une petite blague beaucoup plus "bénéfice-produit", à savoir : ""ça sait tout faire. Tout comme toi maman".
Et il est décliné en plusieurs langues pour l'Australie, le Brésil, le Danemark, le Brésil,
le Québec, le Danemark, Hong Kong, la Malaisie, le Mexique, la Nouvelle
Zélande, les Philippines, Singapour et la Finlande.
Deux exceptions pour terminer :
Le Tchèque doit être un peu pingre car il a droit à "Un cadeau qui dure" en suggestion de gravage.
Peut être une référence à la passion des Tchèques pour les cadeaux durables comme les pistolets automatiques CZ.
Le Vietnam qui fête pourtant les mères à la même date que les Etats-Unis et qui est le seul pays exclu de ce sympathique attachement oedipien.
Enfin, pour mémoire, voici le visuel de l'année dernière. Même nana et sa fille cette fois. L'arrière-plan est constitué de montagnes. La référence au père selon Freud.